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Les EHPAD de Plaine Limagne (63) ont été très fortement touchés au printemps 2020 par l’épidémie de
Covid-19. Plongés dans une situation inédite d’une complexité majeure, les EHPAD ont dû s’adapter et déployer d’importants moyens humains et matériels et opérer de profondes réorganisations pour protéger les résidents et le personnel. Face à cette crise hors normes, une démarche solidaire s’est exprimée à travers la mobilisation de nombreux acteurs. Cette mobilisation a permis de soutenir les résidents, leurs proches et les professionnels.
Le projet d’oeuvre artistique en hommage aux acteurs de la crise dans les EHPAD
Début 2023, la Communauté de communes Plaine Limagne lance un appel à projet d’oeuvre artistique. Ce projet d’oeuvre pérenne a pour double objectif de remercier l’ensemble des acteurs ayant oeuvré sur le front de l’épidémie et de conserver une trace de cette solidarité. Il permettra également de rendre hommage aux résidents décédés et de permettre à leurs familles d’avoir un travail de deuil rendu impossible pendant la crise.
Ce projet fait partie d’une dynamique globale de développement du territoire à travers l’éducation artistique et culturelle, qui donne aux habitants des possibilités inédites d’ouverture sur le monde ar tistique et culturel, en partenariat avec la DRAC, le conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes et le conseil départemental du Puy-de-Dôme.
Je suis Céline Camilleri, artiste textile, je vis dans le puy de Dôme et m’intéresse à travers le tissage de pièces uniques à la valorisation d’un patrimoine matériel : les laines ovines du territoire. Sur le métier à tisser, duite après duite, passage après passage, une écriture-matière prend forme, qui me plonge dans un état méditatif. Cette restitution physique du temps qui passe est faite d’une infinité de strates. Le trait de dessin se fait fil, devient motif par la répétition du geste, pour aboutir à des pièces uniques, tapis ou décors muraux, aux lignes sobres, épurées. Je cherche à ouvrir des perspectives vers des horizons imaginaires.
Pour ce projet, je dessine 5 tapisseries nommées broderies réparatrices.
Des fonds de dégradés représentant l’écoulement des jours, sont tissés à la tisserie, mon atelier.
Une fente transversale doit venir entamer chaque tapisserie, pour être ensuite recousue, laissant à vue une cicatrice colorée et charnue : représentative de l’action de chacun pour refermer cette plaie.
Des rencontres et ateliers doivent prendre place au sein de chaque Ehpad pour amener les participants à se familiariser avec ma démarche et mon univers plastique.
Très vite, lors des premières rencontres avec les résidents, j’entends combien le retour sur cette période du COVID, le confinement , est douloureuse. Le désir de passer à autre chose se fait pressant. La fente qui traverse la tapisserie s’efface dans 4 structures sur 5 au profit de projections plus positives. Alors, nous partons de ce fond de dégradés pour imaginer ensemble le travail de broderie. Ces tapisseries prendront place dans les lieux de vie, un moyen pour les résidents de s’y investir, d’être impliqués. Chacun s’exprime sur ce qu’il désire voir par cette fenêtre ouverte : un ciel où les vivants et les morts se côtoient, un cheminement dans la nature, des fleurs qui repoussent depuis la cicatrice, de la chaleur/ lumière chaque matin au réveil…
A travers cette résidence, j’ai cherché à superposer aux expériences passées, une expérience immédiate réjouissante : regarder, toucher, sentir, dire, écouter, faire. Autant de manières d’être là, au présent.
Les ateliers de pratique du tissage, sur des cadres individuels, ont été l’occasion de s’exercer aux gestes, par la répétition. La concentration amène l’apaisement, le silence ou la parole. Cedric Boussouf, ami et photographe, est venu capter ces moments particuliers d’épanouissement et de partage. On pouvait entendre le souvenir d’une pratique ancienne qui refaisait surface (écharpillage de la laine, couture, dentelle au fuseau) chez certains. Pour d’autres, c’était une première fois, car à 95 ans aussi, on peut vivre des premières fois.
Sur ces ateliers, nous étions accompagnés par les élèves de la MFR, qui par leur savoir-être et leur bienveillance ont amené de vraies rencontres sensibles.
Les tapisseries ici présentées sont donc le fruit de ces quelques mois de rencontres humaines et artistiques autour de la matière laine.
Broder collectivement était un challenge qui m’a demandé de revoir ma façon de travailler, de m’adapter aux enjeux, de laisser la place pour faire du commun ; Chacun devait trouver sa place, comme co-créateur, dans l’idée et dans le geste.
Les familles et personnels se sont mobilisés dans la collecte de fils divers qui ont fait toute la richesse et la singularité de nos broderies.
Ces tapisseries murales ont maintenant trouvé leur place dans chacun des Ehpads, j’espère qu’elles font la fierté et le bonheur de ceux qui les ont créé, de ceux qui vivent à proximité.