Filing, l’esprit des lieux
Dispositif culture et tourisme, orchestré par l’UNAT et la DRAC Auvergne Rhône Alpes.
Résidence de création et médiation
J’ai été accueilli, avec Eva Mutin, étudiante à l’ENSBA et stagiaire au sein du Village de vacances ULVF les Essertets, à Praz sur Arly (74).
Merci à tout le personnel et aux vacanciers qui ont pris part au projet, merci pour votre accueil au sein de ce lieu de vie, merci pour votre sincérité lors de nos temps d’échange (faire en silence ou causer).
Juillet 2023.
la résidence
Lors de cette résidence, la tisserie s’est installé au centre du lieu de vacances, dans un lieu dédié, vitré, où le processus de recherche et de création était visible et mis en scène pour les vacanciers (dessins muraux, sur vitres, exposition de pièces textiles réalisées ou en cours).
Le public était invité à nous rencontrer et à « faire » avec nous sur les créneaux de fin d’après-midi.
Enfants et adultes ont pu dessiner, tisser, broder, sur thématiques ou en accès libre.
Les mains s’affairent, le silence de la concentration nous immerge, les esprits vagabondent et puis… les langues se délient, on se rencontre. D’où l’on vienne, des quatre coins de la France, le commun c’est ici, cette montagne qui nous enchante, et cette anxiété aussi, face aux changements perceptibles, à la fonte des glaces.
Recherche et création
On dit les Alpes pour nommer cet ensemble de reliefs sur une étendue particulière, délimitée géographiquement, partageant une histoire géologique commune.
Je dirai la Montagne pour l’esprit des lieux. Un ensemble de perceptions, de pratiques, d’usages que l’Homme a développé et développe avec ce milieu « naturel ».
Selon moi, un réseau d’interconnexions intenses où nous nous sentons faire partie d’un tout, plus seulement « être environné ».
A la Montagne, il y a des montagnes, des amas rocheux nus ou végétalisés, des plis durs, des strates, des vals, des pentes, des crêtes, des sommets, des surplombs, des vides, des ciels, des crevasses, des failles, des sources, des cascades, des ruisseaux, des glaciers, des lacs, des forêts, des branches, des racines, des animaux sauvages, visibles et invisibles.
Il y a aussi, des routes, des chemins, des pistes de ski, des cartes IGN, des vacanciers, des marcheurs, des trailers, des tyroliennes, des moutons, des bergers, des chiens de bergers, des vaches, des vachers, des exploitants forestiers.
La montagne est pour partie telle que nous l’avons remodelé, impacté. Elle est toujours à mon échelle de petit être, une immensité pénétrable et insaisissable.
Je marche, j’observe, me retourne, me fait prendre, contemple les grandes masses imbriquées : hauteur, profondeur, distances que mon cerveau peut difficilement répertorier. La promesse d’une expérience chaque fois inédite, capable de me transporter, de me transformer.
Alors je m’arrête dans un recoin pour appartenir à l’arbre, au rocher. Je dessine ce que je vois, me laisse déborder par ce que je ressens. Mon trait s’emballe souvent ; je m’oblige à revenir au lisible pour décrire malgré l’élan, la puissance. La feuille de dessin n’est jamais assez grande.
A l’atelier, restituer.
Reprendre croquis et photos, tenter de retrouver la charge émotionnelle, le mouvement dans l’immobilité ; serait-ce vain ?
J’essaye pourtant, insiste, obsédée. Je veux figer des sensations glissantes, retenir les souvenirs qui déjà s’échappent. Flirter avec la nostalgie, le présent nourri des traces de l’avant, créer le récit, projeter un nouvel ailleurs, imaginaire.